Questions - Réponses avec Talia Leina
Pourquoi ce titre ?
Parce que c’est une question qui ouvre, sans jamais imposer. Et si… invite à envisager autrement, à déplacer le regard. Je crois que chacun, à un moment de son parcours, s’est déjà posé cette question. Elle peut même revenir plusieurs fois, lors des instants charnières de la vie. Ce n’est pas une interrogation tournée vers le regret, mais un champ de possibles que l’on n’a pas encore exploré. Une manière d’oser regarder ailleurs, d’approcher ce qui, jusqu’ici, semblait lointain, et de tendre la main à tout ce qui attend d’être rencontré.
« Il ne tient qu’à toi d’être toi » : est-ce une pensée positive pour tout changer ?
Ce n’est pas une injonction à réussir, ni à devenir la meilleure version de soi-même. La vie ne se reprogramme pas avec de jolies phrases. Elle est faite de mouvements, de pertes, de chaos parfois. Ce qui compte, ce n’est pas de tout repeindre en rose, mais de trouver comment se tenir debout, à sa manière. (Il ne tient qu’à toi d’être toi) ne signifie pas qu’il ne t’arrivera rien. C’est une invitation à l’alignement, qui murmure : (quoi qu’il arrive, reste-toi.)
À qui s’adresse vraiment ce livre ?
Il est destiné à ceux qui s’interrogent, qui doutent, qui avancent parfois à contre-courant. À ceux qui ont besoin d’entendre qu’ils ne sont pas seuls à ressentir trop fort. Ce livre s’adresse à tous ceux qui n’ont jamais cessé de chercher, d’aimer, de questionner le monde avec intensité.
Quel passage t’a le plus bouleversée à écrire ?
Le chapitre sur la peur de décevoir. Il remue quelque chose de profondément intime, de silencieusement inscrit. L’écrire, c’était me confronter à une zone que j’avais longtemps laissée dans l’ombre.
Est-ce que ce livre parle de toi ?
Oui, à travers certaines émotions, certains fragments. Il est traversé par mon histoire, mais ce n’est pas un récit autobiographique. Ce sont des résonances personnelles qui, je l’espère, peuvent rejoindre d’autres vies, d’autres sensibilités.
Que veux-tu que les lecteurs ressentent quand ils te lisent ?
J’aimerais qu’ils aient le sentiment d’entrer dans un espace suspendu. Comme lorsqu’un livre nous enveloppe et qu’on oublie le reste. Si mes mots peuvent créer cette bulle, ce lieu intérieur qui apaise ou éveille, alors j’aurai transmis l’essentiel.
Est-ce qu’un livre peut réellement nous transformer ?
Oui, parfois profondément. Et parfois non. Il arrive qu’un livre ne nous touche pas, puis qu’on le relise plus tard, et qu’il nous bouleverse. Tout dépend de l’endroit d’où l’on le lit. Ce n’est pas seulement le livre qui transforme, c’est la rencontre entre lui et celui qu’on est au moment de la lecture.
Quel “Et si…” a tout changé pour toi ?
Et si j’osais écrire et publier ce livre ?
C’est cette question-là qui a tout changé.
Elle a ouvert un chemin qui m’a permis d’être enfin fidèle à ce que je portais en moi depuis longtemps.
Que signifie l’écriture pour toi ?
Pour moi, écrire est un art intime. Un moyen de révéler ce qui m’échappe parfois à voix haute. C’est une manière d’habiter le monde autrement, de rendre visibles les nuances intérieures. Plus qu’un besoin, c’est un mode d’expression essentiel, un espace où l’âme prend le temps de dire sans bruit.
Quel est ton rapport au doute ?
Je n’ai jamais craint le doute. Il m’accompagne, m’aide à affiner ma pensée. J’ai toujours eu plus de méfiance envers la certitude, surtout quand tout semble trop évident. Douter, c’est rester éveillé, ouvert, curieux. C’est une manière d’interroger ce qui paraît figé, sans perdre l’essence de ce que je ressens.
Quand est-ce que tu te sens le plus libre ?
Dans les instants les plus simples. Un moment de calme en famille, un livre entre les mains, un silence partagé. Ce sont souvent des détails du quotidien, discrets mais vrais, qui me donnent cette impression d’espace. La liberté, pour moi, ne se crie pas. Elle s’éprouve dans la justesse de ce qui est là.
Qu’est-ce que tu préfères : le moment où tu écris, ou celui où tu relis ?
Quand j’écris, je me sens dans une bulle, comme suspendue à un souffle intérieur. Parfois, j’ai le sentiment d’entrer dans un état second, où plus rien d’autre n’existe. Relire, c’est un moment précieux aussi : c’est une autre lecture de soi-même, un retour vers ce qui a été senti, posé. On se surprend parfois à se demander : « Qu’est-ce que j’ai voulu dire, là ? ». Avec le recul, un texte peut soudain nous révéler une partie de nous-mêmes que l’on n’avait pas encore vue clairement.
Quels sont tes trois auteur·es préféré·es ?
Camus, pour sa manière de faire de la lucidité une lumière. Il me rappelle qu’on peut penser avec le cœur. Ahlam Mosteghanemi, pour la sensualité de son écriture, sa force, sa mémoire – et cette voix de femme libre qui ose tout. Félix Radu, pour sa poésie à fleur de peau.
Crois-tu qu’on puisse devenir soi sans se perdre ?
Pas toujours. Le plus important, c’est de s’autoriser à se perdre pour mieux se retrouver. Devenir soi est un chemin fait de doutes, de retours en arrière, de recommencements. C’est comme superposer des couches sur une toile. Chaque détour participe à l’émergence de quelque chose d’essentiel. Se perdre n’est pas un échec, c’est parfois une étape pour s’ajuster enfin à ce que l’on est.
Qu’as-tu jamais osé écrire ?
Il y a encore des parts de moi que je n’ai jamais écrites. Des fragments plus intimes, liés à l’amour. Ils restent là, en retrait, comme s’ils attendaient leur moment. Peut-être prendront-ils vie un jour, dans un recueil de poèmes…Ou resteront-ils simplement là, silencieux, parce que tout n’est pas fait pour être confié. Certaines émotions ont besoin d’être ressenties plutôt que dites.
